Un certain nombre de critères préside aux choix des lieux d’émission qui doivent être situés dans un endroit dégagé, éloigné d’une ligne à haute tension.
Une possibilité de repli en cas de repérage de l’occupant doit systématiquement être envisagée.
Ces endroits, qui sont les plus divers (fermes, sacristies d’églises, maisons de particuliers, greniers, granges…), peuvent servir de cache pour du matériel mais aussi constituer des lieux d’hébergement pour le radio, notamment, s’il s’agit d’un agent venant de Londres ou d’Alger.
Lorsque les radios sont issus du milieu local, il leur est, à l’inverse, plus facile de se fondre dans l’environnement.
Les vacations s’effectuent essentiellement en ville dans la mesure où, outre le fait que la radio a besoin d’électricité pour opérer, les émissions en pleine campagne s’avèrent plus dangereuses, l’opérateur devant se déplacer avec son matériel, ce qui est contraire aux instructions du BCRA.
Pour autant, les lieux d’émission ne sont pas forcément tous équipés d’une prise de courant mais ils doivent comporter nécessairement un éclairage, les opérateurs transportant avec eux une « douille voleuse » qui se branche directement sur l’emplacement de l’ampoule électrique.
En cas de nécessité, le radio peut se brancher sur une ligne électrique au moyen de crochets de cuivre plats reliés à un fil et suspendus à l’aide d’une canne à pêche. L’opérateur doit également installer une antenne de cuivre d’une vingtaine de mètres, facile à transporter et à dissimuler, placée dans une petite mallette et fixée en zigzag dans la pièce.
LUCIEN DUVAL
Les
liaisons entre le secteur et la centrale se faisaient par
l'intermédiaire de boites aux lettres.
Un signe convenu : rideau
tiré, pot de fleur déplacé par exemple, signalait s'il y avait du
courrier ou s'il y avait danger.
Nous avions une boite aux lettres
cours Berriat, M. Choinard qui tenait un poste d'essence. C'était le
placement d'un bidon d'huile en vitrine qui nous informait.
Les plus grosses
difficultés rencontrées au départ furent de trouver des endroits
pour émettre. Les personnes sollicitées trouvaient de bonnes
raisons à ne pas vouloir prendre des risques.
Nos premières
liaisons radio ( émissions et réceptions ) avec l'Angleterre eurent
lieu dans Grenoble (entre autres dans les mansardes de la Justice de
Paix).
L'endroit retenu devait remplir certaines conditions : Être
alimenté en électricité, ne pas attirer l'attention des voisins,
permettre de tirer une antenne intérieure, avoir une vue sur la rue
de façon que le gardien qui se trouvait près du radio puisse voir
le gardien en faction dans la rue.
Ce dernier devait donner l'alerte
en cas d'apparition de voitures gonios allemandes chargées de
repérer la position de l'émetteur. A ce stade, arrêt immédiat de
l'émission quelle que soit l'urgence ou l'importance du message à
transmettre.
Nos efforts
portèrent vers la recherche de lieux d'émissions, en dehors de
Grenoble. Le peu d'émetteurs dont nous disposions au départ,
conduisait l'équipe du radio et son gardien à se déplacer avec son
poste émetteur, lourd et encombrant. Risques accrus compte tenu des
contrôles, barrages, fouilles en tous genres.
Illustration de
ces risques : une des nombreuses anecdotes de mon radio Paul Vourey,
où risque et chance se côtoyaient.
SAC DU G.M.R
Nous venions
de trouver un emplacement à Beaurepaire. Il fallait y porter le
matériel radio, 25 à 30kg, bien rangé dans un sac à dos grand
modèle, ce qui faisait un colis bien carré et dur. Pour porter ce
sac lourd, encombrant et compromettant nous ne pouvions qu'utiliser
le car Grenoble-Beaurepaire. Départ, après la levée du couvre-feu
vers 5 heure ½ ou 6 heures du matin. L'ennui, c'est qu'à la sortie
de Grenoble, le pont de la Bastille, passage obligatoire, est très
souvent l'occasion d'un barrage allemand. Nous verrons bien!!!!
Dans le petit
matin Raymond, Georges et moi arrivons au départ du car et déposons
notre sac derrière le dossier du siège du chauffeur!!! puis, nous
nous installons sur la banquette du fond. Et le car se remplit. La
perspective de la fouille ne nous inspire guère, nous nous taisons.
Le car est complet ; le gazo est prêt, on va partir, annonce le
chauffeur. Et voilà qu'arrive en courant, tout essoufflé, un G.M.R.
( genre de CRS de l'époque). Le car démarre, pendant que notre
G.M.R., s'essuyant le front, cherche du regarde une place; complet,
il avise alors le sac, le tâte ….et s'assied dessus, son fusil es
jambes!!!
Le car
s'engage sur le pont; les grognements du chauffeur annoncent le
danger. Le car s'arrête. Les soldats allemands nous ordonnent de
descendre, le G.M.R, lui reste assis sur le sac. Les soldats montent
et fouillent le car. Un par un, après avoir présenté nos papiers
et subi une fouille très serrée, nous reprenons nos places dans le
car. Un officier monte à bord pour s'assurer que rien n'a été
oublié et donne l'ordre de partir, sans même daigner jeter un coup
d'œil à ce «Brave» G.M.R. Qui couve consciencieusement notre sac
à dos!!!Ouf!
Merci monsieur
le G.M.R.! De votre «collaboration»!
Par la suite nos équipes, les radios : Aaronson, Barrières,
Duranceau, Milgram, Vourey avec leurs gardiens, disposeront, outre
les postes construits par nous-mêmes, de postes plus petits,
parachutés, qui permettront d'équiper différents lieux d'émission
et de réduire sensiblement les risques liés au transport.
Nous
avons pu émettre outre Grenoble, de Voiron, Rives, Montmélian,
Trévignin, Theys, Chaloux, Saint-Jean-de-Maurienne, Valence,
Allevard, Saint-Pierre-en -Chartreuse, Méandre, Saint-Marcellin,
Beaurepaire, Vinay, Gillonnay, La-Motte-d'Aveillans, Chindrieu,
Saint-Pierre-d'Entremont, Villard-de-Lans.
Les lieux d'émission en montagne, qu'il fallait rejoindre à vélo,
présentaient plus de sécurité, l'approche des voitures gonions
pouvant être plus facilement observée.
J'appréciais de me rendre à Montmélian. Nous émettions de chez
un fromager, M.Dumortier. Alors que nous souffrions dans les premiers
mois des mesures de rationnement, chez lui tous nos repas étaient
une fête.
Il
était devenu traditionnel, après de tels repas, de dire : «Encore
un que les boches n'auront pas».
Roland Cléry :
"Il fallait changer tous les jours de lieu d'émission.
Roland Cléry :
"Il fallait changer tous les jours de lieu d'émission.
On avait fait connaissance avec un administrateur
de biens, qui gérait les biens des Juifs raflés. Les appartements étaient mis
sous scellés, les Juifs devant récupérer leurs biens au retour …
Donc la technique était de faire sauter les scellés
des appartements, en accord avec l'administrateur de biens, et de changer tous
les jours de domicile.
Au début, l'administrateur de biens ne voulait pas
nous faire confiance. On l'a prévenu que d'ici une semaine, dix jours, il
allait entendre un message de radio Londres. Cela lui prouvera que nous étions
fiables, qu'il pouvait avoir confiance en nous, et que nous faisions bien
partis de l'organisation."